Les trois plaies politiques…


Les trois plaies politiques…


Durant les deux dernières décennies, on peut être frappé par l’apparition, sur le plan politique, de logiques nouvelles.


• La première qui fut l’œuvre principale de Nicolas Sarkozy consiste à utiliser le ressort principal de ce que j’ai appelé la rationalité émotionnelle. Il s’agit en fait de créer ou de provoquer une émotion à la suite de laquelle on prend à témoin le citoyen pour l’emmener dans un sens déterminé, qui n’implique pas d’ailleurs forcément un plan d’action, mais  convainc de la légitimité des actions suggérées. Un exemple emblématique concerne le transport routier lorsque le président d’alors demanda s’il était normal que les poids lourds étrangers traversent  (en transit) le pays alors que nos voisins l’interdisent (ce qui est bien entendu faux).  Le drame, outre cette « dérationalisation » et cette sortie du monde réel, c’est que ces méthodes n’aboutissent strictement à rien : aucune politique, aucun plan d’action ne parvient à y survivre. 

L’une des variantes de cette logique est celle de la revendication symbolique. L’objectif est de faire dire ou concéder des propos de principe. Ce qu’il faut obtenir ressemble à des symboles « synthétisant » une lutte, un courant, une croyance. Or l’acceptation de l’expression de simples principes (en Corse : l’autonomie, la reconnaissance du peuple corse, la langue…) est aussi douloureuse pour les uns que jubilatoire pour les autres. D’où une dérive juridique (faire dire au droit) et sémantique (choisir les mots permettant de minimiser la douleur et maximiser la satisfaction)… qui nous éloigne loin de l’univers concret de la politique. La victoire doit être douloureuse pour être belle ! Or tout ceci prend du temps, demande de l’énergie, et au final privilégie nécessairement le flou.


• La seconde logique qui m’est apparue est peut-être encore plus ancienne, c’est celle que j’appelle la politique de l’édredon. J’entends par-là que par rapport à un défi par ou une échéance annoncée ou encore une contrainte nouvelle, les gouvernements choisissent alors de faire comme si ce risque n’existait pas. On temporise, on attend, on fait le sourd. On se réfugie derrière un édredon en cherchant à retarder ou amortir les échéances en prenant des décisions comme si de rien n’était. A l’échéance, hélas, viennent alors des difficultés économiques et sociales bien plus importantes, et parfois des décisions de justice radicales. Les exemples de l’armement naval sur la manche, de la SNCM, et de Fret Sncf sont symptomatiques. On se retrouve alors dans une situation de désavantage par rapport aux autres :  nous avons perdu du temps nous ne sommes pas adapté, et nous payons une facture disproportionnée.  La voie de sortie idéologique (c’est la faute des autres…) est alors empruntée cherchant à rejeter la responsabilité « ailleurs »… et bien entendu le « coût » en résultant apparaît comme injuste.


• La troisième logique, qu’on a pu voir mettre en œuvre cette fois-ci, ces derniers temps, essentiellement sous les quinquennats d’Emmanuel Macron, c’est la logique disruptive. Il s’agit alors pour l’essentiel de casser les codes. Alors on bannit l’opposition traditionnelle entre la droite et la gauche, on prétend faire du « en même temps »,  on remet en cause l’importance des corps intermédiaires et le rôle des collectivités locales et territoriales, on supprime les comités et les commissions qui servent pour l’essentiel à la concertation, on néglige l’évaluation socio-économique des grands projets. On parle certes de planification mais il n’y a plus de système de planification. Il n’y a plus de comités chargés de préparer les plans, il n’y a plus d’études économiques générales, plus de prospective, ce qui n’empêche pas de mobiliser les cabinets de conseil. Ce qu’on a cassé et détruit, c’est à la fois une rationalité se fondant sur des éléments objectifs, une communication qui s’appuie sur les faits et sur les travaux prospectif et la concertation. On a abandonné une approche dynamique et réaliste des questions et notre capacité à avoir un management public qui se projette dans l’avenir. La « jupitérisation » du pouvoir n’est que le symbole de cette fantastique casse engagée depuis plusieurs décennies, et amplifiée par le royaume de la communication, de la rationalité émotionnelle, des politiques de l’édredon et…. la suffisance d’un pouvoir technocratique souvent hors sol. 


P.S.

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