La SNCM : le Big Bang ?
La SNCM : le Big
Bang ?
On sait tous (je crois) depuis au moins 2 décennies
que la SNCM est en « danger ».
J’ai déjà exposé ici les propos du « Rapport Pagès » de 1997 qui
prévenait que la « SNCM, principal concessionnaire chargé de cette
desserte maritime risque de se trouver non seulement concurrencé d’ici un an
par de nouveaux armements bénéficiant sous certains pavillons européens de
conditions de coûts plus avantageuses que sous pavillon français ».
On connaît tous la suite. DSP, et encore DSP,
déficits, subventions, batailles juridiques, judiciaires, européennes,
pseudo-privatisation. Et toujours les mêmes questions, interrogations,
problèmes et indécisions.
Tout se passe comme si en 20 ans personne n’a rien
appris, rien compris, ou pire, rien décidé, rien assumé. Le jeu qui s’est
engagé depuis la précédente DSP – celle précisément qui a été malmenée sur le
plan judiciaire et politique – est
largement hypocrite, voire tordu. On attend. On tergiverse. On fait miroiter
des lendemains qui chantent. On accepte une DSP manquant largement de
crédibilité (voir mes précédents papiers). On fait comme si… tout en menaçant
ou en calmant selon qu’on est de ce côté-ci ou de l’autre côté de la mer. Trois
grèves déjà depuis le début 2014. Une nouvelle DSP assortie d’un service minimal (Le service social et solidaire censé
représenter 15 % de l’offre de chacun
des co-délégataires au moment du conflit ) jamais appliqué. La Collectivité
Territoriale réclamera naturellement son dû qui s’ajoutera à la créance que lui
a attribué la justice européenne…. Comme à l’Etat, sans doute, coupable de ne
pas garantir la liberté de circulation de la Méridionale. Une compagnie qui,
elle, ne se plaint guère des conditions de concurrence de la Corsica Ferries,
se contentant finalement des subsides de la « continuité
territoriale ».
On en est là, et début juillet, le ton monte, monte. Les
attitudes sont agressives ou quelque peu dédaigneuses selon le camp, et la
Corse s’impatiente. On attend finalement le « bing-bang ». Il aurait pû venir avec la conférence de
presse du Président de l’exécutif corse le 4 juillet… mais non. On restera à
l’expression d’une feuille de route – ce que ne fait toujours pas le ministre
chargé des transports – et d’une menace : faire payer à la SNCM les sommes
exigibles depuis un an.
Puis, les choses se
tendent en Corse. Mélange de manifestations inquiètes, bientôt rejointes par
des gestes déplacés. Excès sur les quais de Porto-Vecchio, revirement violent
des forces de l’ordre à la préfecture de Bastia, conduisant naturellement à une
plus grande défiance, en Corse, à l’égard de l’exécutif français.
Pourquoi ? Comment ? On ne sait.
Et puis le Ministre – suivi ensuite du Premier
Ministre - prend la parole dans le Provençal pour expliquer qu’en l’état on ne
sait pas financer les nouveaux bateaux, et que le passage par le redressement
judiciaire était une évidence. Et la CGT le traite de menteur-liquidateur, pour avoir
dissimulé, sans doute, ces évidences. Des évidences qu’on tait avec application
depuis un an :
- · pour faire passer la DSP, préférant un règlement judiciaire avec DSP que sans. Sans doute parce que l’Etat aime à tergiverser, à attendre des miracles de Bruxelles ou d’ailleurs, et pour la posture.
- · parce qu’il négocie.
- · par tactique, chacun cherchant finalement à laisser à l’autre la responsabilité des évidences.
Pourquoi a-t-on tant trainer à dire les choses ?
Pourquoi laisser des illusions à des gens qui
s’imaginent encore que les luttes sociales peuvent triompher de tout ?
Pour ne pas agiter les élus de Marseille, de droite et de gauche, tous aussi
peu disposés à regarder la réalité maritime en face ? Pour laisser les élus corses assumer, créer
un face à face entre la Corse et la CGT ?
Jeu dangereux, cruel, décrédibilisant, illusoire. Absence
totale de communication claire, créant une double victimisation.
D’autant que toutes les données étaient disponibles
depuis longtemps. Et bien avant la nouvelle DSP. Une délégation qui,
rétrospectivement, a pu constituer selon la perception que l’on peut en avoir
une illusion, un leurre, ou une temporisation.
- · Une temporisation, en mettant un voile pudique sur la dette latente de 440 millions €, et le soutien en trésorerie régulier des actionnaires (Veolia et Etat), et une situation économique périlleuse souvent mise en lumière.
- · Une illusion, en adossant le plan industriel de la Compagnie à une «promesse de subside» de la Collectivité Territoriale au prix d’un optimisme sans doute excessif des plans de financement.
- · Une leurre, dans la mesure où la DSP et les postures politiques de l’Etat et des politiques de droite et de gauche, à Marseille en particulier, ne constituent en rien une réponse durable aux déséquilibres actuels et latents de la compagnie.
Retour au réel donc ? Et en pleine grève ! Sans doute, mais par un chemin tortueux,
passablement illisible, et du coup perçu comme pavé d’arrières pensées. On s’en
serait probablement passé.