#SNCM : prévisible mais pas inéluctable ?


  • Prévisible

L'histoire des 20 dernières années en ce qui concerne la SNCM est l'aboutissement d'un scénario dont nous avons souvent dit qu'il était prévisible. 
Non que les dés étaient jetés dès le départ, mais, curieusement, qu'on a tout fait pour le rendre inéluctable. 
Rappelons-nous tout d'abord le rapport Pagès de 1997. 
Voir le rapport Pagès de 1997
Il comprend une mise en garde claire ; il décrit un avenir possible, dramatique pour la SNCM. Il fût sans effet. 
Puis, après un période difficile et parfois agitée, ce fût 2005. 
Plusieurs observateurs voient dans les évènements d'alors une tragicomédie. 
Une phrase parmi d'autres, en 2005 : "tout dans la tragicomédie de la SNCM était prévisible". Elle est de l'économiste Elie Cohen, qui expliquait déjà : "Lorsqu’une entreprise du secteur public exerçant un monopole de service public et employant des personnels à statut perd son monopole, elle doit affronter des problèmes de concurrence puis des problèmes sociaux et enfin des problèmes d’actionnariat."
voir l'article d'Elie Cohen


  • Du prévisible à l'insoutenable
Le fait qu'Elie Cohen fasse ici de l'à-peu-près importe peu. L'essentiel c'est qu'on voir bien que les ingrédients existent pour que ça "tourne mal". 
Que s'est-il passé ensuite   
On a "passé la patate chaude à d'autres" (non sans bénéfices pour certains !) : l'Etat s'est finalement défaussé alors sur un couple d'actionnaires improbable (Connex et Butler), et la Collectivité Territoriale Cette dernière n'avait d'ailleurs guère de choix.  Puis, des années durant, alors que la situation devenait plus critique, on a tenté de troquer un ajustement des effectifs contre des promesses. Ne revenons pas sur la liste des conflits et des accords trouvés pour en sortir, mais notons au passage que le dernier consistait à promettre uniquement quelques mois de répit. Et il est arrivé naturellement ce qui était prévisible : des condamnations, des déficits récurrents, des conflits, et des perspectives insoutenables. 


  • Le mirage du miracle

En fait de restructuration et de stratégie... on a finalement misé sur la DSP suivante. Une façon comme une autre de lier les parties (Etat-Syndicats-Compagnies-Actionnaires privés, et CTC) dans un pacte, finalement illusoire. On intime alors à tous de croire en un plan miraculeux. Personne ne s'offusque alors qu'une société qu'on voulait céder pour un Euro symbolique quelques temps avant, puisse proposer d'investir massivement en nouveaux navires,  sans recapitalisation préalable, qu'elle rentabiliserait en démultipliant le nombre de passagers (on prévoyait  - au titre de la DSP et pour la seule SNCM - de faire passer de le nombre de passagers de 337 000 en 2014 à 589 000 en 2014 et  700 000 en 2023). Au cours du débat à l'assemblée de Corse, j'ai cru comprendre que personne ne comprenait comment... mais on a voté la DSP. 
Voir ma tribune du Cercle des Echos


  • Gain de temps ou perte de temps ? 

Dans cette histoire certains auront sans doute estimé avoir gagné 10 ou 12 ans. D'autre que ce temps aura été perdu, et les parts de marché avec. D'autres enfin qu'on les a lâché. Pourquoi ? Tout simplement parcequ'on a cru, fait mine de croire, ou fait croire qu'on pouvait soumettre les règles (françaises et Européennes) à la représentation que l'on se fait de l'intérêt d'une compagnie : la SNCM. 
Croire en la régulation et aux vertus du service public n'est pas illégitime, bien au contraire. On peut même croire aux vertus d'entreprises publiques, et même d'entreprises publiques territoriales. Mais imaginer que l'on va  inventer de toutes nouvelles règles en contraction avec le droit Européen, est proprement naïf. Sauf si la naïveté n'en est pas, et que l'on préfère perdre en restant ferme plutôt que de faire des concessions. Et même si le résultat est pire pour l'entreprise et le personnel.  
Cela peut faire penser aux propos d'un ancien dirigeant de la SNCM (voir l'interview d'un ancien  président de la SNCM (Philippe Galy) en 2005), qui décrivait  l'entreprise sous un jour bien singulier.Vrai ou faux ? 

  • Quand le prévisible devient inéluctable
Alors oui, ce scénario était prévisible, mais on pouvait l'éviter, à condition de discuter, de négocier, et non de laisser filer en entretenant des illusions.  On a en effet, trouvé depuis 2005 le moyen de charger la SNCM de dettes pour cause de condamnation européenne tout en continuant d'accumuler des pertes,  consenti des avances d'actionnaires, accordé à l'entreprise une nouvelle DSP et fait mine de ne rien voir et de ne rien entendre. Erreur de jugement ? Non pas. Qui peut y croire ? Décision politique, sans doute. Multiple. Et tant pis si on noircit le futur de la compagnie. 

C'est en ce sens que la question des responsabilités historiques se pose. 

Pour autant, la résoudre ne règlera pas grand chose, puisque l'enjeu est désormais celui de l'avenir de l'entreprise, de ses salariés et de ceux qui en dépendent - clients et fournisseurs. Et n'oublions pas les corses et la Corse, qui délègue le service public "à son service". 

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