#Sécurité #Routière... on aurait aimé un peu plus de modernisme et un programme technologique plus ambitieux

D’abord deux mots sur la sécurité routière.

Le taux de morts est stabilisé

Si le nombre de tués a augmenté depuis 2013, ce nombre rapporté au trafic est à peu près stable depuis. Et il a atteint son plus bas historique en 2016 et 2013 : 5,8 tués par milliard de véhicules.km ! Il était de 232 en 1953.  Il est essentiel de le rappeler.  La véritable question est aujourd’hui de savoir pourquoi les progrès ne sont plus supérieurs à ceux de la mobilité, et comment il est possible de progresser de manière significative.

La stratégie annoncée par le premier ministre vise avant tout la recherche d’effets immédiats, et donc se veut toucher aux comportements, ce qui implique de nouvelles règles et une répression accrue.

Au rang des nouveautés, l’une concerne la vitesse. Parler de vitesse et de sécurité routière c’est comme parler de deux choses opposées, contradictoires.

La vitesse

La nature même de la relation entre les deux pousse d’ailleurs à cette évidence : on a toujours intérêt à baisser la vitesse, la physique a la peau dure. Ainsi l’a-t-on fait avec les voitures à chevaux en ville, ou les trains. La sécurité intrinsèque d’un mode de transport n’y change pas grand chose : s’il y a accident la vitesse est toujours un facteur aggravant, et elle est parfois à l’origine du drame. Mais on a eu l’intelligence de faire en sorte qu’il soit possible d’aller plus vite en améliorant la sécurité. Car la mobilité a besoin de vitesse.

Se concentrer sur la seule vitesse au nom d’une vérité relevant de la science physique,  c’est un peu comme si on nous demandait de choisir entre la valeur que l’on accorde au temps et celle que l’on accorde à la vie, tout cela en tenant compte des probabilités d’accident. Un calcul impossible et quelque peu surréaliste. 

Mener une politique publique en s’appuyant de fait sur ce seul raisonnement est d’une simplicité totale : on bouge le curseur de la vitesse terrestre, et paf, on récupère mécaniquement théoriquement des vivants en plus ou en moins. (Pour les blessés c’est plus complexe, mais passons) Bien entendu il faut alors s’assurer que la variation est bien effective (prévention/répression).

Or, la réalité c’est que la sécurité est  la résultante d’un ensemble de facteurs techniques et humains, et naturellement du hasard (et de la météo), et plus généralement du fonctionnement pratique du système de transport.

Un programme ?

Une politique consiste donc à agir sur l’ensemble de ces facteurs, et proposer ce qu’on pourrait appeler un programme.

C’est ce qui avait été engagé à la fin des années 1960 alors qu’on comptait jusqu’à 15 000 morts/an sur les routes et qu’on a dépassé 18 000 en 1973. La réussite du programme était précisément lié à cette affirmation : la sécurité routière est un système dont les éléments sont en inter-relation. Cette réussite est aussi le fruit d’une communication et surtout de l’acceptabilité des mesures. C’est bien parce qu’on ne s’est pas réduit à ce choix unique entre moindre risque et vitesse, mais qu’on a fabriqué une mobilité plus sûre, mieux régulée et demeurant rapide grâce aux investissements routiers (ou autres), qu’on a gagné progressivement en crédibilité. Il est évident que la réduction massive de la mortalité routière - qui est proche de 3000 décès par an actuellement (et 5,8 par milliards de véhicules.km) - est lié à l’évolution globale du système, dont la vitesse n’est qu’un élément. 

La mesure annoncée  sur la vitesse - qui se veut globale - consiste à rechercher un gain mécanique de 10 à 15 % sur le nombre de morts.

voir : http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2018/01/dossier_de_presse_-_comite_interministeriel_de_la_securite_routiere_-_mardi_9_janvier_2018.pdf

C’est son intérêt médiatique : 10 km/h = X morts en moins. C’est aussi sa faiblesse : on sait tous que la dangerosité de la vitesse ne s’analyse pas indépendamment des réalités locales, à commencer par les conditions de circulation, le tracé de la route et son état. Or nous avons actuellement les moyens de simuler l’influence de la modification de certains paramètres comme la vitesse sur les conditions de circulation et l’évolution probable des risques. Pourquoi ne pas le faire ? Pourquoi du global à la place du sur-mesure ? Ne module-t-on pas déjà la vitesse sur nos routes selon les lieux ? 

Booster les transports intelligents

Quelques initiatives annoncées intègrent les progrès du « numérique », pour autant ils intègrent peu les perspectives ouvertes par les progrès des aides à la conduite et des « transports intelligents » qui permettent d’envisager une gestion dynamique de la conduite avec une inter-action entre le conducteur, le véhicule, l’infrastructure et les autres usagers, permettant de réduire massivement les risques et donc les accidents. Ne pourrait-on pas décider d’investir  significativement pour en accélérer les bénéfices ? 

Un jour sans doute, la « liberté » automobile se réduira au profit d’un usage « contrôlé », optimisé, sécurisé. Le prochain bon en avant est manifestement de ce côté. On aimerait qu’on l’anticipe et l’encourage !

 

Morts à 30 jours en fonction du trafic. Données relatives à la France - Source : ONISR - Soes, Mémento des transportsMorts

Posts les plus consultés de ce blog

Mais où est donc passée la politique des transports Par C. Reynaud et P. Salini

L’éclairage des choix, gage de démocratie

Modéliser les transports… pas si simple par Christian Reynaud et Patrice Salini