Autonomie : passer du symbole au concret ? 


La question de l’autonomie corse est devenue petit à petit la revendication centrale de la majorité de l’Assemblée de Corse et de son exécutif.

Objectif central, l’autonomie est perçue par certains comme ayant excessivement pris le dessus sur l’action publique concrète. D’ailleurs, pour renforcer cette impression, les tenants de l’autonomie mettent en avant essentiellement la conquête du pouvoir législatif et réglementaire au détriment (en l’absence) de toute référence explicite à des politiques concrètes. 

D’où la formule : « l’autonomie, oui, mais pour quoi faire ? », version « soft » de « mais que faites-vous des compétences déjà acquises ? ». En effet, dans des domaines variés (urbanisme, énergie, transport, questions sociales, déchets…) la gestion des dernières mandatures est parfois montrée du doigt comme peu efficiente.


Une revendication symbolique face à une situation de déséquilibre


Au fond l’autonomie vient remplir le rôle des « lois d’orientation » dans la politique française nationale, destinées plus à marquer l’histoire législative et ministérielle qu’à traiter les questions posées à la société. L’inverse d’une approche pragmatique visant à construire des programmes finalisés.

Car il faut bien revenir à ce qui constitue la base la plus évidente de la question corse : son économie est construite sur un modèle fondamentalement déséquilibré qui est un obstacle réel à l’efficacité de politiques territoriales autonomes. En effet,  la construction d’une autonomie renforcée passe nécessairement par la réduction drastique de la dépendance extérieure liée au niveau trop important de déficit commercial et l’extrême faiblesse de son secteur productif. En effet, actuellement, et par l’entremise de l’épargne extérieure, le revenu des résidents corses se nourrit des déséquilibres économiques, la hausse des prix n’ayant in fine qu’un effet discriminatoire à l’égard des plus pauvres n’ayant pas de patrimoine foncier. Il est probable que la rente foncière soit indexée – après tout il s’agit d’un « prix » - sur la croissance de l’épargne extérieure, ce qui constitue le seul paramètre d’ajustement – pour cause de rareté – de l’économie insulaire à ses propres déséquilibres. 

Mais cette « rente » nourrit indéniablement l’économie, pèse sur la nature du développement et vient faire obstacle au rééquilibrage de la structure des activités insulaires. Or, la problématique de l’autonomie devrait viser pour l’essentiel à reconstituer plus d’autonomie économique et financière et casser la logique de dépendance. C’est d’ailleurs de manière un peu naïve que certaines revendications nationalistes visent essentiellement l’effet pervers de ce cercle vicieux (spéculation, discrimination sociale au logement, niveau des prix, question foncière), et moins directement la cause profonde de ces mécanismes. Les symboles l’emportent sur le réel. 


Construire des politiques et leurs supports 


Il faudrait donc une politique publique forte pour donner un sens aux promesses. Il y a bien longtemps, les nationalistes critiquaient la logique de la « continuité territoriale » en ce qu’elle alimentait un modèle de dépendance extérieure. Leur intuition était juste, ils l’ont oubliée.

Mais il convient sans doute de toucher plus directement aux choses concrètes. L’autonomie n’aura de sens qu’à travers la construction de politiques. Or, pour ce faire, l’autonomie en droit devra se traduire effectivement par des transferts de compétences, et donc de ressources (fiscalité ou dotations) et la constitution ou le transfert d’administrations. Or la faiblesse actuelle de l’administration et des offices territoriaux - et pas seulement de leurs ressources financières - par rapport aux tâches actuellement dévolues, et celle probable des services déconcentrés de l’Etat devrait faire réfléchir, non plus aux seuls principes, mais aux méthodes à mettre en oeuvre pour faire vivre les compétences actuelles et futures. Avec un préalable celle de constituer un véritable observatoire économique environnemental et  social et une vraie structure de prospective et d’évaluation des politiques publiques. On en est bien loin, même dans les projets.  L’affaire sera en effet alors opérationnelle !

Alors oui, l’autonomie est un grand et bel objectif - ne serait-ce qu’au regard des expériences étrangères et de l’insularité -, mais ne rêvons pas. Elle a ses limites - on aurait aimé un comparatif des économies insulaires méditerranéennes -.  Mais tout reste à faire et à définir… il s’agira désormais moins de symboles que de méthode et de contenu concret. 



P.S.

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