Carburants : la vente à perte : quand les amateurs s’essaient à la démagogie


Le gouvernement, en appelant à une vente à perte des carburants semble viser pour l’essentiel la grande distribution et les réseaux propres des majors pétrolières. 
Cette annonce visant à s’exonérer du caractère impératif de l’Article L442-5 du code de Commerce, conduit à s’interroger sur le raisonnement des pouvoirs publics, et en particulier sur l’évaluation économique et sociale d’une telle mesure - si elle était appliquée -. En effet, ce qui semble visé, ce sont les « revendeurs » de carburants. Or, ils ne sont donc nullement responsables des cotations du pétrole - faiblement en cause actuellement - et des marges de raffinage dont les niveaux et les variations sont exceptionnels. 



On aurait pu penser que les responsables politiques s’intéresseraient à la formation des prix plutôt que d’en appeler de manière démagogique aux seuls distributeurs, d’autant qu’au surplus leurs marges de manoeuvre ne sont pas les mêmes selon leur taille et leur « statut ». Rappelons que 60% des carburants sont distribués par la grande distribution, et que les 40 % restants ne sont pas homogènes (stations réseau, indépendants…). 
A vrai dire on peut trouver surprenant que la curiosité des pouvoirs publics ne soit pas plus aiguisée par des marges aussi conséquentes, alors que les raffineurs, ces dernières années - donc avant ce grand boum - s’inquiétaient fortement de leur modicité.
Si l’on applique le raisonnement gouvernemental sur le terrain - par exemple en Corse, où depuis des années on s’interroge sur les raisons de prix plus élevés qu’ailleurs malgré une fiscalité moins lourde - on se demande bien à qui s’adresserait cette injonction de vente à perte. Les comptes des uns et des autres ne laissent aucun espoir de voire les pompistes ou les grossistes faire un effort significatif. Alors qui ? Personne ! Nous savons tous qu’un profit confortable se trouve capté par les dépôts, mais encore une fois, tout indique que les (grosses) marges se trouvent en amont… mais elles ne sont pas « publiques ». 
Mais il y a pire. Comment justifier d’une vente à perte dans une économie de marché ? Se le demander c’est déjà y répondre : On ne peut pas..  ! 
Tout ceci témoigne alors d’un double refus : celui de comprendre et celui de réguler (d’autres pays européens le font plus ou moins bien). Ne nous étonnons pas dès lors qu’on perçoive les gouvernants comme des amateurs. 


P.S.


Définition de la marge brute de raffinage. 

  1. Par l’UFIP : « La marge brute de raffinage est la différence entre la valeur marchande des produits raffinés issus du processus industriel du raffinage et le prix d’achat du pétrole brut. Avec la marge brute de raffinage, sensible à toutes les fluctuations des marchés pétroliers, le raffineur doit couvrir l’ensemble de ses frais (masse salariale, maintenance et entretien, électricité et catalyseurs, taxes) et de ses investissements via les amortissements .... et si possible dégager une marge nette correspondant à sa rémunération.
  2. Pour le ministère de la transition écologique : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Mode de calcul de la marge brute de raffinage sur brent.pdf

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